Wednesday, August 13, 2008

Régression

J'ai intitulé le post précédent "Retraite", mais c'est "Régression" qu'il fallait inscrire en titre. Retraite supposerait un adversaire qui m'aurait fait reculer, alors que je n'ai fait que me replier sans trouver d'obstacle sur mon chemin. J'ai simplement abandonné toute idée de progrès, d'amélioration, concernant la rédaction de ce blog.

Pourtant, si ce blog ne va pas dans le sens d'une meilleure écriture, cette manière de blogger a, tout de même, un sens particulier, particulier pour moi, en tout cas. En effet, je trouve un intérêt à collectionner des citations, des passages, des réflexions, des remarques faites par d'autres. Ces alignements des petits textes, d'extraits piqués sur la Toile, me servent de repères et jalonnent mes lectures, donc des choses sur lesquelles je suis amené à penser, au fil du temps.

Le blog est devenu, en quelque sorte, la colonne vertébrale d'un grand corps cadavérique, celui de ma mémoire qui se décompose, s'effrite, s'oxyde silencieusement, sans même que j'en sois très bien conscient. Je n'ai pas besoin de produire beaucoup pour vivre, ce qui fait que je me contente d'écrire très peu. Mais je ne peux pas m'empêcher de dévorer du texte, des écrits.

Si, lorqu'il s'agit de lire sur papier, je sélectionne avec soin les auteurs, ce n'est pas le cas pour ce qui est de mes lectures sur le Web. En ligne, je passe de la lecture d'une ineptie sur un Skyblog, à celle d'un compte rendu en anglais parlant des dernières avancées du CSS, tout en croisant un texte de Lacoue-Labarthe traitant de l'œuvre de Friedrich Hölderlin, ceci juste après avoir lu, en diagonale, le billet en espagnol d'un blogger chilien s'offusquant des menaces qui pèsent sur les gorilles ougandais de Bwindi.

Cette façon de lire et d'avaler du texte n'est possible que grâce à Internet. Personne ne pourrait concrètement étaler autant de bouquins, de journaux, de magazines, de fiches, de billets, de gribouillis et passer aussi rapidement d'un support de lecture à l'autre avec autant de facilité que sur le Net. Internet est le support idéal pour le zapping. Mais avec l'inconvénient de se laisser submerger par l'hyper-information et de se perdre ainsi dans une sorte de flux textuel, rendant la lecture impossible à maîtriser parce que bien trop superficielle et décousue, avec trop de thèmes, de discours, de thèses, de points de vue qui se heurtent et se disloquent.

Je me demande si vous percevez parfois le corpus qui s'étale sur Web comme un immense océan prêt à vous engloutir, une bibliothèque labyrinthique dont vous ne pourrez plus sortir.

4 comments:

  1. Curieux de commenter un billet déjà enfoui dans les archives —le mot éteint m'est venu spontanément à l'esprit, mais il ne convient pas, puisque je suis là et que vous l'apprendrez. Billet qui couve, plutôt. Ce que vous dites d'internet en général, des blogs en particulier est juste, sans doute trop sévère, mais en tout cas lucide. Vous avez la plume souvent acide, comme D. Goux en son domaine, trop dure je trouve parfois —pour vous identifier plus aisément dans le chapelet de blogs que j'égraine avec mon navigateur, j'ai ajouté : grinçant, après Cloudy Days. Ce n'est pas toujours exact, mais je sais ainsi immédiatement qu'il s'agit du vôtre… Je suis venu vous lire pour la première fois, il y a déjà quelque temps, à la suite d'une diatribe que vous aviez balancée je ne sais où, jugée par moi choquante (il me faut préciser que je suis de gauche sans trop de subtilité, sujet au parti pris), mais assez troublante pour me donner l'envie d'en savoir davantage. Et ce que raconte quelqu'un qui a aimé des auteurs comme Rilke, Borges, Carpentier, Marquez, Cendrars, Caldwell, Yourcenar…, ne pouvait me laisser indifférent. Je suis un peu déçu de ne pas trouver entièrement réponse à une question que je me pose : pourquoi blogue-t-on ? Je veux dire : une fois écarté le motif anecdotique qui vous fait franchir le premier pas. Personnellement, dans mon blog, politique-tique, je me livre peu, d'autant que cela s'étale sous l'oeil du village. Pourquoi, donc? L'ego à flatter ou à soigner n'explique pas tout. Peur du vide ?

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  2. Merci de souffler sur les braises Bento. Un billet qui passe en archive est un billet mort ou presque. On dit que les écrits restent mais sur les blogs les billets sont plutôt à associer aux paroles, celles d'une conversation justement puisque le blog est censé provoquer la discussion. L'idée qu'un billet puisse être une petite étoile qui brille dans la sombre immensité de la bloggalaxie pour finir par s'éteindre est une image agréable mais vous avez constaté que, au coeur de cet univers, la plupart des posts ne sont que de vulgaires météorites à la dérive.

    Vous me trouvez souvent acide, Bento, tout comme Didier Goux. Je trouve l'acidité de Didier plus supportable que la mienne parce qu'il fait preuve d'humour, d'ironie poilante alors que je n'arrive que trop rarement à prendre de la distance. De plus comme je n'écris pas aussi facilement que Didier mon vinaigre est moins digeste. Mais, c'est probablement le fait d'être trop collé à l'objet de mes billets qui rend mon clavier grinçant. Si je parvenais à me faire à l'idée que les choses sont comme elles sont et que je cessais de les imaginer autrement, mon blog ne refléterait pas à ce point mes déceptions. Car au fond, je suis un homme de gauche, si l'on entend la gauche comme parti progressiste. J'imagine malgré tout que l'homme peut s'améliorer de lui-même, qu'un monde meilleur est possible. C'est ce que je crois lorsque je me laisse bercer par mes illusions. C'est souvent une fois les illusions passées que je frappe laborieusement les touches de mon clavier, et c'est là que mon humeur s'assombrit.

    J'ai commencé à blogguer en Mars 2004, Bento, c'était pendant mes études et ce premier blog était mon carnet de bord, je ne pensais pas écrire pour quiconque, mais je trouvais cet outil très intéressant et je spéculais sur l'avenir du blog, ses possibilités. D'ailleurs la franco-sphère était quasi inexistante et j'ai eu un premier commentaire environ un an plus tard. A la rentrée universitaire 2005, j'ai développé Cloudy Days parce que je m'intéressais au discours journalistique, alors je me suis mis à commenter l'actualité. C'est au printemps 2006 que la franco-sphère s'est réellement créée. C'est à partir de là que je me suis lancé dans diverses polémiques et que depuis je garde ce ton quelque peu agressif/provocateur dont il faudra que je me débarrasse un jour ou l'autre.

    Je pense qu'on bloggue pour 1000 et 1 raisons et qu'en fonction des circonstances, de l'environnement, du poids des expériences (bonnes ou mauvaises) faites sur la Toile l'écriture s'en ressent. Je comprends votre frustration, Bento, celle de ne pas pouvoir s'impliquer réellement dans la vie politique puisqu'abrité derrière un pseudo, protecteur certes, mais qui semble absurde lorsque justement on aimerait lutter contre le 'sécuritaire' ou pour la liberté d'expression. Comment s'offusquer que certains courbent l'échine, plient sous le joug du patronat, de la mafia, d'une dictature quelconque, et ne pas oser faire face au qu'en dira-t-on, ne pas dévoiler ouvertement ses opinions politiques alors que nul réel danger ne guette. C'est peut-être cette position qui vous donne l'impression de vous tenir au bord d'un gouffre, Bento !

    Amicalement ;-)

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  3. (Bento) Merci de votre réponse, je vais y réfléchir. Je ne blogue pas anonyment, en fait, mais j'éprouve une gêne souvent paralysante à commenter ouvertement, en raison de l'ambiguïté de la démarche —le côté auto-promotion… Il m'arrive cependant de plus en plus souvent de le faire, pas toujours. J'ai beau écrire pour être lu (et vendre des livres, ailleurs, mais c'est presque le souvenir d'une autre vie), il y a des sujets que je préfère aborder sans clairon. De la conversation. Amicalement !

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  4. C'est moi qui vous remercie, Bento, parce que je suis bien conscient que mes posts ne valent pas grand chose, mais grâce à des commentaires comme le votre j'arrive encore à me présenter sur le Web.
    A moins d'avoir recours à un blogmanager je ne sais pas comment vous pourriez faire pour échapper au côté auto-promo, aussi n'hésitez pas à me donner l'URL de votre blog, parce que je comprends parfaitement qu'on puisse écrire pour être lu et qu'on puisse vouloir être lu parce qu'on estime honnêtement qu'on a quelques chose à transmettre et ceci sans être accusé de narcissisme.
    De mon côté, j'estime ne pas avoir grand chose à faire entendre, sinon en fournissant un travail que je ne me sens pas en mesure de faire et c'est pour cette raison que je ne cherche pas à développer un lectorat plus large. Je ne fais même rien pour retenir - sentimentalisme, chantage affectif: seuls moyens dont je disposerais - les gens qui lisent plus ou moins régulièrement mes posts. J'en arrive même à oublier, pendant plusieurs semaines, de consulter Google Analytics.

    Bien à vous :-)

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