Wednesday, October 22, 2008

République monarchique

A Nina qui pense que "Sarkozy et ses acolytes" donnent, dans le monde, une image désastreuse de la France. Qu'elle se rassure, il y a bien longtemps que, diplomatiquement parlant, les français n'ont pas grand chose à perdre en terme d'image:
Une République monarchique ?

Voici résumées à grands traits les impressions de Charles Cogan : examinée de près, la France se révèle être un pays superficiellement démocratique. L’Etat républicain, installé dans les meubles de l’Ancien Régime, ne connaît pas de véritables contre-pouvoirs. Seul représentant du peuple, le président-monarque règne et gouverne, entouré de sa cour, le Parlement enregistre, l’autorité judiciaire est sous influence, tandis que les Français oscillent entre obéissance servile et rébellion sporadique. L’élaboration de la politique étrangère se fait à l’Elysée et au Quai d’Orsay, le pouvoir législatif et l’opinion publique n’y jouent qu’un rôle négligeable. Les décisions se prennent au sein d’une élite administrative restreinte, brillante et sûre d’elle-même, issue des grandes écoles. De l’Ancien Régime, les Français dans leur ensemble ont hérité quelques tendances profondes : méfiance envers le capitalisme ("l’argent qui corrompt", disait François Mitterrand), goût aristocratique pour le faste et le panache, mais aussi fond de bon sens paysan.
Des accidents de l’histoire moderne et contemporaine, dont ils sont pénétrés, les Français retirent un patrimoine ambigu. C’est d’abord un sentiment de supériorité et une volonté de puissance héritées de Louis XIV et de Napoléon, ce qu’Alain Lempereur appelle la "culture de guerre" française. Mais en même temps, les Français ont le sentiment, justifié, d’un déclin ininterrompu depuis 1815, déclin dont la défaite de 1940 est le plus cuisant épisode ; ils se savent devenus un "petit pays", mais refusent de l’admettre. L’Amérique leur est odieuse, car elle a comme la France un message universaliste et des ambitions mondiales, mais, elle, avec les moyens de ses ambitions. La France, empire manqué, est réduite au rôle d’éternel opposant, mêlant complexe de supériorité et complexe d’infériorité.
C'est parce que j'ai toujours porté sur la nation française le regard d'un étranger et non celui d'un ethnocentriste borné que mon point de vue est très proche de celui de Cogan. D'où, les problèmes inter-subjectifs qui m'opposent régulièrement aux monolithiques sur la portion de la bloggosphere où sont installés les Français.

11 comments:

  1. Le sexe gouverne l'homme et l'homme se laisse gouverner. Seules les bombes explosent. Pas inquiète du tout…

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  2. Le bon doctor Freud en était arrivé à peu près à la même conclusion, Nina. Je ne suis pas plus inquiet que toi... tout va bien dans le meilleur des mondes...

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  3. Amusant...j'ai moi-même, la plupart du temps, le regard d'une étrangère sur la France. C'est peut-être parce que, bien que née Française, je n'ai jamais vécu dans l'Hexagone et ai développé ma culture de Bruxelles à Londres, de Boston à Tel Aviv.
    Regard mi-affectueux, mi-agaçé sur des racines qui sont miennes sans vraiment l'être.

    Ceci étant, merci pour le lien, qui me permet de découvrir votre blog.

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  4. Là, Scheiro, en gros, je suis d'accord avec vous (ou peut-être plus exactement avec la citation).

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  5. C'est d'autant plus vrai depuis quelques temps, je trouve. Autant sous Chirac, le Président laissait le Premier Ministre à sa place, qu'aujourd'hui, le Premier Ministre a perdu son interêt (mais pas son salaire...)

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  6. Il faut tout de même une sacrée dose d'amnésie ou d'inculture politique pour attribuer à Sarko la dégradation de l'image de la France dans le monde!

    La constitution actuelle a été adoptée à une époque où les partis se livraient à leurs petits jeux et combines tandis que la France menait une guerre coloniale désastreuse pour elle et pour son image dans le monde.

    Le plus grand pourfendeur de la Ve république, F. Mitterrand une fois élu président, tira le plus grand profit de cette constitution honnie. Alors à quand enfin la VIe république pour que la France adopte enfin une culture républicaine authentique avec un équilibre des pouvoirs qui minimise les risques d'abus? Il faudra avant cela abattre encore d'autres Bastilles: celles des mentalités infantiles face à l'État dont on attend tout en essayant de le rouler, celles notamment des castes héréditaires d'agrégés, d'énarques, polytechniciens, journalistes obséquieux, sénateurs aux priviléges éhontés etc...

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  7. Homer m'amuse beaucoup lorsqu'il prétend que Chirac "laissait le PM à sa place"! En effet, je me souviens du pauvre Raffarin totalement largué, totalement ignoré, inaudible au moment où Chirac et de Villepin battaient l'estrade pour empêcher l'invasion américaine de l'Irak.

    Et au fait qui se souvient encore des autres PM de Chirac? Les PM ont toujours été des pions du président puisque c'est lui qui les choisit ou les révoque comme bon lui chante. C'est ça aussi la Ve république! Aucun contrepouvoir n'est toléré. Pour exister, il faut démissionner avec les risques que cela comporte qu'on vous oublie aussitôt. Cf Rocard éliminé apr Mitterrand à qui il faisait de l'ombre.

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  8. @Internecivus raptus - Master chief murderous : j'ai noté en parcourant ton blog, à la lecture de qqs billets, que nous avions qqs points communs quant à la façon d'envisager la marche du monde. Je me suis senti proche de ton point de vue.

    J'aurais voulu laisser un commentaire pour te signaler mon passage et te dire que je faisais un lien vers ton excellente descriptions des monolithiques. Mais, tu m'as précédée. Bienvenue!

    Pourtant, deux choses, au moins, nous différencient: la patience et la pédagogie. Deux qualités dont tu sais faire preuve. Je ne cherche même plus à convaincre intelligemment, j'ai renoncé à toute subtilité.

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  9. @Le coucou: par transitivité vous êtes donc d'accord avec moi, puisque moi même je suis d"accord avec Cogan. Je sais ce n'est pas agréable de se retrouver en accord avec qq'un qu'on ne sait pas trop dans quel tiroir ranger, n'est-ce pas? Mais bon... comme de toute façon, c'est Védrine qui signe la préface du bouquin de Cogan, vous ne risquez pas de condamnation pour hérésie, Jean-Louis.

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  10. @Homer: la pire connerie que les français aient pu faire, c'est de s'être débarrassés de la monarchie. Depuis, le peuple vit avec de vieilles coutumes héritées de cette époque, les vieux réflexes du serf taillable et corvéable à merci, et n'arrive pas à s'en défaire. "Tu t'appelles libre? Je veux que tu me dises ta pensée maitresse, et non pas que tu t'es échappé d'un joug. Est-tu quelqu'un qui avait le droit de s'échapper d'une joug? Il y en a qui perdent leurs dernières valeurs en quittant leur sujétion." [Nietzsche]

    Un premier ministre est une des figures essentielles de la démocratie: l'homme qui représente le parlement, celui qui, en principe, gouverne réellement. Sous la "monarchie républicaine" le 1er ministre joue uniquement un rôle de fusible.

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  11. @Daniel: Je suis d'accord sur toute la ligne avec toi, Enrico; la diplomatie conduite par Chirac, copain comme cochon avec tous les dictateurs de la planète, a été bien pire pour l'image de la France que ce que Sarkozy a fait jusqu'à maintenant. Mitterrand avec le Rwanda entre autre, c'était pas mal non plus, et aucun de leurs prédécesseurs n'en a raté une seule.

    L'image de la France dans le monde ne correspond pas exactement à la représentation que les français s'en font, loin de là.

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