Thursday, March 12, 2009

La bloggotruc™

L'individu en possession d'un PC connecté sur le Web avait, tout au début du siècle, une chance inouïe qui s'offrait à lui : développer un environnement différent de celui dans lequel il vit au quotidien. Il pouvait façonner cet univers virtuel vierge avec, pour objectif, l'affranchissement d'une bonne partie des règles relationnelles contraignantes, routinières, celles qu'il est obligé de se coltiner au jour le jour.

Mais non ! Dans 98% des cas le clampin qui a eu la possibilité de créer un blog, a tout fait pour reproduire, à l'identique, la vie de merde qu'il se tape tout au long de l'année. Je ne sais pas s'il se rend compte qu'il vit réellement une vie de merde, mais c'est ainsi que je la conçois. En tout cas, le bourrin moyen semble très souvent insatisfait de l'existence qu'il mène. On n'a pas de mal à croire que sa vie est épouvantable, simplement parce qu'il ne peut même pas prendre le risque de dire ce qu'il pense.

Le citoyen français est coincé dans des rapports de forces permanents. Bien qu'il aspire à la démocratie, il est inscrit dans un système de hiérarchisation sociale insensé et inique. Il est forcé de se livrer, en permanence, à de sombres petits calculs pour conserver ou améliorer, au sein du groupe, sa position de dominé/dominant, une place charnière dont il ne peut se défaire.

Même s'il fait partie des premiers à s'être installé sur la toile, un blogger, qui est en relation avec ces congénères, subit plus ou moins la pression du nombre, cette masse qui, de façon implicite, dicte ses règles. Il n'a pas le choix : pour ne pas se trouver complètement marginalisé, il est plus ou moins forcé de jouer le jeu de la masse.

Il ne s'agit pas de déplorer cette occasion perdue. Faire de la Toile un monde "virtuel" différent du monde "réel" est absolument improbable. Contrairement à ceux qui ont cru voir une coupure entre la "vraie" vie et la vie "en ligne", il s'avère que cette frontière n'existe pas.

Pourtant, il est facile d'imaginer que, par sa nature électronique, informatique, immatérielle, souple, discursive, sans friction corporelle, la bloggotruc - comme dit RoseNoire -, aurait pu donner naissance à un espace social qui ne soit pas aussi fortement calqué sur la vie quotidienne. La bloggotruc aurait pu devenir autre chose que le reflet d'une vie banale, triviale, sans relief, cette vie de cave vécue par 98% de minables.

Je suis d'accord avec RoseNoire qui prédit : "Si un jour je ré-ouvre un blog, je me changerai peut être en sniper. Histoire d'y aller à l'assassinat ciblé et de générer le maximum d'entropie dans cet univers convenu." Oui... certains jours, on ne peut pas s'empêcher d'applaudir intérieurement un type comme Tim Kretschmer.

7 comments:

  1. Merci pour la citation, Schiero. Je ne voulais bien entendu pas parler littéralement lorsque j'employais le mot sniper.
    Mais balancer quelques .38 chemisées blindées dans l'ego de certains, oui. Et secouer toute cette brouillasse monotone et convenue...oui, trois fois oui.
    Il y avait un gars qui faisait ça, le Tronçonneur de Blogs. Malheureusement, il a arrêté.

    Je ne crois pas que ton billet sera très populaire, ni même qu'il évoquera un quelconque intérêt. Il n'est pas assez brosse à reluire pour ça.

    Mais c'est justement cette petite voix différente qui me fait revenir sur ton blog.

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  2. Moi non plus, quand je parle d'applaudir T.K., et je m'avance un peu, parce que je n'y pense pas vraiment. De plus, je n'ai pas pris la peine de lire le détail des faits qui lui sont reprochés. Je me suis basé sur les bulletins d'infos radio. Si on écoute les commentateurs sur les ondes nationales fr., tous sont unanimes : c'est la faute d'Internet ! Mais, comme ne n'écoute ça que d'une oreille, en passant d'une station à l'autre, j'oublie rapidement leurs pseudo analyses.

    Non, mon billet ne sera pas populaire. J'imagine la tête des bloggers qui ont tendance à tout prendre au pied de la lettre et à croire qu'on ne s'adresse qu'à eux. Ils imaginent qu'on les connaît personnellement et qu'on les mets directement en cause. Mais bon, s'ils se sentent visés c'est peut-être pour de bonnes raisons.

    De mon côté, je ne vise personne expressément. Je suis seulement fatigué de l'ambiance qui règne sur la b.truc où chaque blogger s'attend à ce qu'on vienne lui lécher la raie une fois qu'il a pondu son post.

    Bon, même si ça me fait très plaisir, ne t'affiche pas trop souvent sur Cloudy Days, RoseNoire, tu prends le risque d'être considérée comme infréquentable.

    Question indiscrète, en rapport avec ".38 chemisées blindées" : as-tu effectué ton service militaire, RoseNoire ?

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  3. Ah oui, la fameuse rengaine d'Internet et des jeux vidéo qui rendent fou. Un gros tas de sornettes. Le tueur était un gars profondément dépressif, qui était sous traitement et suivi psychiatrique. Il a choisi d'abandonner et la thérapie et les médocs, et à la première occasion, il a pété les plombs. Mais évidemment faut bien sortir les clichés à la mode...

    Infréquentable? Oh mais je suis déjà infréquentable: j'ai effectivement été soldat. A Tel-Aviv, il y a environ 2 décennies. Trrrèès populaire, sur un CV :-D
    Ce qui répond à un autre de tes questions...

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  4. Je n'ai pas cherché à éplucher le Net pour en savoir plus sur ta personnalité, RoseNoire, mais j'aurais vraiment été déçu si tu m'avais répondue que tu n'étais pas passée par la case armée. Tel Aviv, ça sonne pour moi, dans mon imaginaire, comme New-York en plus petit bien sûr; mais c'est comme ça que je me représente l'éffervence dans laquelle vit cette cité.

    Je ne vais pas t'interroger plus parce que je ne veux pas te mettre dans l'embarras en te poussant à dévoiler des pans de ton identité que tu n'as peut-être pas envie d'évoquer - je suppose que ton tatouage date de cette époque, de la période qui a précédé la 1ère guerre du golf ou même du début de cette guerre avec l'attaque d'Israël par des missiles Scud irakiens. Oouuuuais, j'imagine le succès fou que la mention sur ton CV de ton service doit soulever ;-))

    Pour ce qui est des jeux vidéo et des films violents, tous les psychologues s'accordent pour dire que c'est sans influence sur le psychisme - voir les travaux de Tisseron, par exemple - mais comme tu le remarques, RoseNoire, les journalistes ne peuvent s'empêcher de ressortir toute la série des lieux communs, des clichés et des stéréotypes éculés parce que s'est bien plus anxiogènes et donc vendeur que la triste réalité, celle d'un jeune homme profondément dépressif.

    Haaaaa, mais dans quel monde vivons-nous ? Bon, je suis rassuré ta réputation, ne souffrira pas trop au contact de Cloudy Days, que je trouve plutôt correct enfin de compte. Je n'ai pas connu le Tronçonneur, mais je suppose qu'il était bien plus mordant que je ne le suis.
    Bonne soirée, RoseNoire!

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  5. La blogopshère, nouvel eldorado de l'ambition prométhéenne ? ;)

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  6. C'est ce qu'on pouvait espérer, Rubin. Mais le Zeus de la bloggotruc veille sur son troupeau, et si tu prends un peu trop de libertés, tu te retrouves vite fait attaché sur un rocher, en train de te faire bouffer le foie par des oiseaux de mauvaise augure.

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  7. S'il y a vraiment un Zeus dans la blogosphère, il a pour nom auto-censure. Parce qu'à part ça, dans la mesure où on respecte les lois en vigueur dans le pays où est basé l'hébergeur, un blog reste quand même un espace de liberté assez souple.
    Ce sont les convenances sociales recréées en passant du réel au virtuel qui le verrouillent. Comme ton billet l'a parfaitement expliqué, Schiero.

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