Sartre était le maître-penseur d’une gnose sadique illuminée par la conviction qu’il n’existe rien entre le ciel et la terre qui ne mérite d’être nié. A la lumière de ce diagnostic, on comprend pourquoi la pensée contemporaine ne peut tout simplement plus progresser sur le chemin de Sartre. On a ouvert un nouveau chapitre dans le roman de la négativité. Sur ses premières pages, on rencontre des concepts sur lesquels le grand professeur de la liberté n’avait pas grand-chose à dire : écosystèmes, réseaux, multitudes, atmosphères, mécanismes cybernétiques. Les termes cardinaux de l’ère postsartrienne sont non pas révolution, mais émergence, non pas refus, mais rattachement et transformation. La science actuelle a rompu avec l’idéologie sartrienne du monde muet et absurde. Nous savons à présent que tout parle et nous pouvons l’entendre dès que nous interrompons le monologue du sujet autiste. La conscience pure a fusionné avec le scintillement tranquille des écrans à cristaux liquides. Les choses et les hommes forment de nouvelles communautés, au-delà de la bourgeoisie et du prolétariat. Il y a longtemps que la société du vécu a ôté à la critique le mot de la bouche. Mieux : la consommation elle-même est devenue la critique et l’anéantissement des choses. La seule à ne pas être encore au chômage, c’est la nausée.Extrait de l'article : Le grand négateurPeter Sloterdijk
Tuesday, April 14, 2009
C'est la nausée
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Eh bien Scheiro, mais c'est pub & co ici on dirait ! J'ai lu La Nausée il y a fort longtemps (je crois que j'ai tout lu sauf le dernier chapitre, c'en était trop). Le titre cependant est très bon, car très bien choisi par rapport au contenu étouffant du bouquin, qui est comme dit dans le texte du billet : une gnose sadique.
ReplyDeleteNe me fait pas croire que tu es si vieux que ça Marc ;-)
ReplyDeleteJe n'ai jamais rien lu de Sartre, sinon qqs extraits et qqs articles. Mais il me semble que l'existentialisme est un concept sans signification, aujourd'hui, une coquille vide comme le souligne P.S. parce que la société n'est plus clivée en classes et que le monde de Sartre n'existe plus - il n'a d'ailleurs jamais existé sinon dans l'imaginaire des sartrio-bourdieusiens, ce monde binaire privé de transcendance qui n'existait que pour ces fieffés illuminés.
Middle aged comme diraient les british !
ReplyDeleteHeu.. je ne suis pas sûr qu'il y ait un quelconque rapport entre la philosophie de l'existentialisme et la notion de classes sociales.
L'existentialisme est en rapport avec des phrases célèbres comme "l'existence précède l'essence" ou "être c'est avoir été" et c'est l'affirmation d'une liberté fondamentale de l'homme censé pouvoir surmonter toute détermination (la dernière phrase indiquant que l'essence de l'individu, ce qu'"il a été", ne se fige qu'à se mort, quand précisément il a cessé d'exister).
Il est vrai qu'ultérieurement Sartre a rattaché cela au marxisme. Mais je vois là un esprit de systèmes propres aux philosophes à prétention métaphysique qui veulent faire de grands systèmes et rattacher leurs différentes thèses comme des wagons.
Je sais que tu es opposé au concept de classes Scheiro mais là je ne suis pas trop convaincu. Sans doute l'époque contemporaine est-elle caractérisée par l'émergence d'une vaste classe moyenne qui est comme une négation de la notion même de classe mais au dix-neuvième siècle, opposer une classe bourgeoise à une classe prolétarienne est un modèle tout de même assez pertinent il me semble.
Dans le monde d'aujourd'hui, il y a aussi des situations bien claires de domination, voire dans certaines contrées de quasi esclavage et cela est déterminé par le fait de naître dans tel ou tel milieu plus ou moins (dé)favorisé.
Par exemple j'ai en mémoire les déboires du fils Kadhafi à Genève où il a été retenu 3 jours en garde à vue car des esclaves s'étaient enfuis de son hôtel, ce qui avait attiré l'attention de la police suisse. Cet exemple extrême de rapport de domination qu'est l'esclavage est une simple illustration de ce qui se passe par ailleurs dans le monde à bien plus grande échelle et que l'on peut ranger sous le concept "classe" si on le désire. Cela est lié au fait de naître dans tel ou tel milieu.
Laisse moi un peu de temps pour te répondre Marc. Je ne vais peut-être pas avoir le temps le faire ce soir. En tout cas, merci pour ce commentaire très intéressant. A plus tard!
ReplyDeleteNon, au sujet du rapport entre la philosophie de l'existentialisme, je n'en suis pas plus sûr que toi Marc. Mais Sartre a largement abusé de la vulgate marxiste tout en poussant ses fans à s'exciter contre la bourgeoisie qui n'est en réalité qu'une catégorie de sociale regroupant des prolétaires ayant de meilleurs revenus que la moyenne de leurs concitoyens. La bourgeoisie restant aussi inexistante à l'époque satrienne qu'elle ne l'est aujourd'hui : environ 200 familles que les dont les Fr. ne savent rien ou presque rien.
ReplyDeleteLe concept de classe se repproche du concept de race, soit deux manières totalement arbitraires de diviser les populations pour les conduire à l'affrontement. Chaque concept ayant donné lieu à de terribles situations, comme on le sait maintenant.
Les systèmes de domination d'un groupe par un autre, comme l'esclavage, existent depuis fort longtemps et presque partout sur cette planète. L'esclavage se pratiquait selon des codes et des règles assez bien établis; pas sous des formes aussi inhumaines que celles que l'on rencontre dans les systèmes d'esclavages modernes: cet esclavage mis en place pour des raisons de rentabilité industrielle, celui que pratiquent des gens, comme Kadhafi, les Saoudiens, mais bien d'autres encore, tous ceux qui, partout, se sentent suffisamment au-dessus des lois, mais qui n'ont aucune légitimité à occuper des places/fonctions qui autoriseraient la possession d'esclaves.
Je ne parle même pas de la condition d'esclave auto-soumis que connaissent tous les travailleurs inventés par la civilisation occidentale moderne, qui, 5 ou 6 fois par semaine, arment eux-mêmes la sonnerie de leur réveil-matin pour courir à peine réveillés vers les lieux circonscrits aux pratiques du tripalium. Une torture qu'ils s'infligent pour percevoir, sous la forme de qqs $, un salaire, des dividendes, des stock-options. Ces revenus qu'ils consommeront sous n'importe quelle forme avec l'illusion du bonheur mérité. Ces travailleurs sont la lie de l'humanité. En tant que tels, nous leur devons notre compassion, en essayant de ne pas trop se gerber sur les pieds.
Salut Scheiro,
ReplyDeleteJ'ai lu Sartre toujours pour m'en éloigner un peu plus. "La Nausée" est un très bon livre, le plus "célinien" de tous ceux que j'ai lus, mais comme disait Albert Camus que Sartre a eu l'outrecuidance de traiter de Salaud ou de chien je ne sais plus, parce qu'il n'avait pas voulu soutenir l'URSS, la prise en compte du désespoir face à la constatation de l'absurdité de l'existence ne devrait être qu'un point de départ et non pas but en soi masqué. De toute façon, les pièces de Sartre étaient jouées en plein Paris occupé, avec des soldats allemands dans la salle, tandis que Camus écrivait ses articles clandestinement pour le journal Combat, si ma mémoire est bonne. Ils n'ont pas vécu la même guerre tous les deux.
Michel Onfray, dont je suis loin d'approuver tous les postulats a néanmoins commis une excellente chronique au sujet de Sartre que j'ai mise sur mon blog... et qui est en résonance avec ta citation de l'excellent Peter Sloterdijk, la citation, de Sloterdijk je te la pique, vais m'en servir... ;-)
http://incarnation.blogspirit.com/archive/2009/05/20/michel-onfray-vs-jean-paul-sartre.html
Bonne continuation à toi l'ami... et prend soin de toi...
See ya...