Saturday, May 10, 2008

Sport, Sexe & Blogs

Il n'y a que les lecteurs qui étaient suffisamment âgés au début des années 80 pour se souvenir de ce qu'étaient les villes avant l'apparition du jogging, phénomène de mode très médiatisé et commenté à cette époque. Avant l'arrivée du jogging, le sport se pratiquait beaucoup moins qu'aujourd'hui et surtout il se cantonnait à des lieux très circonscrits dont il ne sortait jamais. Le port du survêtement en ville était encore un accoutrement tout juste toléré par la plupart des citadins, et ne se portait pas dans le monde rural, c'était mal vu. Mais, les choses ont bien changé, et, une vingtaine d'années après, les rites sportifs sont totalement intégrés à la vie quotidienne, et plus personne ne fait attention aux bourrins qui courent le long des trottoirs, ni aux sportifs qui font leurs courses ou vont au travail en survêtements.

En un quart de siècle l'industrie des loisirs a réussi à effacer la distance qui séparait le monde du sport - création de bourgeois oisifs, activité physique pratiquée généralement en comités fermés, c'est à dire en clubs - du monde du travail et de la banalité de la vie quotidienne. Le sport fait partie de notre environnement et plus personne ne conteste sa place. C'est exactement comme la télévision ! D'ailleurs, l'évolution du sport est très fortement corrélée au taux de pénétration de la TV dans les foyers. Tout ça s'est diffusé de manière exponentielle: les statistiques de ventes ont explosé.

Il y a encore quelques années, tout comme le sport, le cinéma porno, lié au monde sordide de la prostitution, était relégué aux marges de la société. Ces films n'étaient projetés que dans certaines salles de cinéma, situées la plupart du temps dans les bas-quartiers des grandes cités.

Ce genre de cinéma, et ses produits dérivés vendus en sex-shops et consommés dans des limites bien établies de l'espace social, ont, à l'instar du sport, envahi le monde du quotidien grâce à la puissante promotion de l'industrie des loisirs exercée depuis que la télévision a gagné tous les foyers, lorsque des chaînes privées ont pu vendre des programmes pornographiques et redoubler les ventes grâce à l'industrie de la cassette VHS, puis du DVD.

L'invention d'Internet et sa prolifération, le fait que dans les pays industrialisés une majorité de consommateurs puissent avoir accès au Web a permis à l'industrie des loisirs, branche pornographie, de mettre en place des stratégies de ventes époustouflantes. Le porno est une industrie globalisée qui rapportait 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 1998, pour atteindre les 13 milliards aujourd’hui. On dénombrait 22 000 sites pornographiques en 1997, on en compte entre 100 et 300 millions, aujourd’hui.

Sport et porno partagent les mêmes slogans qui disent, en substance, qu'en s'adonnant à l'un et à l'autre, et puis aux deux en même temps, l'individu occidentalisé, l'homme du IIIème millénaire doit pouvoir gagner un surplus de liberté, c'est à dire de confort, de bien être, puisque sont plaisir sera, grâce à la conjugaison de ces deux pratiques, décuplé.

Selon Patrick Baudry: "L’industrie du sexe qui n’est, peut-on dire, qu’une prolongation-extension de la sexualité prostitutionnelle, c’est-à-dire du type d’activités sexuelles qui s’effectue avec des professionnelles, constitue en fait une “généralisation" de l’univers de la prostitution à l’ensemble des réseaux d’une société."

Je me demande ce que vous pensez du film-x, de sa banalisation mais aussi des promesses libertaires qui vont avec la large diffusion de ce genre cinématographique. Pensez-vous que l'on puisse dire du mal de ces films sans être accusé d'être un anti-porno, esclave d'interdits petit-bourgeois ?

Je développerai certainement ce thème, parce que je constate, ça et , que la vague du glam, du récit érotique, qui a déjà submergé les blogs dans les pays anglo-saxon, est en train de débarquer en France, avec pas mal de retard, comme d'hab.

Je me demande aussi si vous avez pris conscience de la place que la branche "sexe" de l'industrie du loisir occupe dans notre paysage culturel.

4 comments:

  1. Le sexe fais partis de la vie, le nier, c'est renier le désir, la passion et par delà même l' amour,la libido, c'est la vie, c' est l' épanouissement, il n'y a rien de sale, losqu'il est pratiquer par des adultes consentants, les mots ne sont pas sales, ils expriment l' équilibre du corps et de l' esprits, faire l' amour, c' est vitale, cela nous donne le goût de vivre.
    Le plus dramatique ce n'est pas le sexe, c'est dans faire un produit marketing et un enjeu financier, qui implique des dérapages et des excès.
    C'est pourquoi il est important de se montrer vigilent, comparer le porno à la prostitution est complexe, la banalisation fait son œuvre dans les esprits mais aussi dans les textes internationaux : l’idée que le sexe/marchandise est une donnée indiscutable de l’économie moderne, réduire la sexualité à un besoin hygiénique est un peu réducteur, il ne faut pas confondre économie et morale.
    Récupérée par le système marchand, la libération sexuelle a en partie abouti à faire de la sexualité un objet qui s’achète et se vend : pornographie, messageries, saunas, salons de massage, presse spécialisée... et bien sûr prostitution.

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  2. Je me demande à quels textes internationaux tu fais référence, Flybird.

    Ceci dit, en aucun cas, il est question ici d'interdits, ni même de jugements de valeur. Je demande seulement si les gens qui consomment du porno ont bien conscience des enjeux économiques et politiques qui sous tendent cette consommation. Est-ce qu'ils se doutent que les mécanismes qui les amènent à consommer ces produits porno, sont les mêmes que les mécanismes qui les conduisent à faire du ski, du tennis ou de la bicyclette, ou bien à manger bio et faire du tri dans leur poubelles et partir en suite en voyage à Phuket ou avec ceux qui "suivront les villages de la tribu de Himbas, les chutes d’Épupa, les peintures rupestres de Twefelfontein, le Damaraland avec ses paysages lunaires, la colonie de phoques de Cape Cross sur la côte de l’Atlantique sud, des villes d’architecture allemande et enfin le désert du Namib, reconnu pour ses fabuleuses dunes de sable orange…" - Woow! Quel programme! - ?

    Parce que pour moi, Flybird, tout ceci résulte des mêmes fantasmes qui se résume à : travailler plus, pour dépenser plus !

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  3. Eh oui, là je suis assez d'accord : le "loisir" (en ce sens), c'est du travail... (production, reproduction, production, reproduction, etc., etc.) et le sexe un travail comme un autre (pourquoi ne le serait-ce pas ?) où l'on doit être performant, de la même manière que des "vacances" sont ratées si l'on n'y a pas pris le maximum de "plaisir" possible... Bref, on ne sort pas de la "sphère des besoins", de logique de réplétion, etc. (ça me rappelle l'oiseau-pluvier du Gorgias : il mange et défèque en même temps et ce "processus" peut "durer" indéfiniment vide / empli / "vidage" / "emplissement", etc.)

    Comment disent-ils déjà de nos jours ? Ah, oui, c'est bien sûr, l'"individu rationnel" est celui qui cherche toujours et partout à "maximiser son profit" : dans toutes ses activités, il "investit" et il attend de cet investissement un maximum de gain...

    La "rationalité" ainsi comprise, j'espère qu'il y a tout de même quelques "irrationalités" parfois (il y en a d'ailleurs : les économistes s'en arrachent les cheveux, les "modèles" dès lors sont de plus en plus compliqués...).

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  4. C'est exactement le mécanisme que tu décris qui est à l'oeuvre, sauf qu'à la longue, la pompe à merde risque de se désamorcer; alors pour prévenir la panne il faut relancer régulièrement la machine d'où la création d'un manque/désir factice. C'est le rôle du marketing couplé avec la pub qui dit vous n'avez pas encore joui de la position n°1024 à laquelle vous avez droit, remettez 1 dollar dans la machine et vous allez voir ce que vous allez voir: meilleure encore que la 1023 ! Vous avez pourri l'atmosphère avec du Co², oubliez votre carrosse 1023, le 1024 vous permettra d'affamer ceux qui pourraient bientôt vous manger.
    Le pire c'est que ce système, maintenant qu'il est connu de tous, est impossible à enrayer. Partout sur la planète il est possible de proposer à une chaîne d'individus, dans le besoin, de mettre 1 dollar dans la tirelire en lui disant que demain on lui en versera 1 et demi. C'est à dire qu'on rendra, 24h plus tard, au 1er lustukru son investissement de 1 dollar avec, en prime, l/2 demis dollar soustrait sur le dollar récolté chez le second lustukru, ceci, pendant qu'on s'arrange avec un 3ème lustukru pour qu'il nous file un dollar qui puisse servir à répéter l'opération précédente. Chaque transaction rapporte 1/2 dollar à celui qui s'est lancé dans cette affaire. C'est un vendeur de pizza qui a mis ça au point à NY au début du siècle dernier et depuis on connaît l'affaire des sub-primes. Plus personne n'est en mesure d'arrêter ce phénomène et s'il s'arrête, ça va tellement faire mal, qu'il vaut mieux que ça continue, même avec les Chinois qui dévasteront la planète parce qu'un milliard de lustukrus va entrer rapidement en transe. C'est ça la rationnalité irrationnelle, Albertine :-))

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