Sunday, May 4, 2008

Bourdieuseries

Parce que je sais qu'Albertine tient ses promesses et parce que j'étais persuadé qu'elle reviendrait sur le cas Bourdieu, j'avais préparé un texte de Nathalie Heinich, Ce Bourdieu-là ne nous manque pas, histoire de ne pas me sentir trop isolé et de me situer du côté "des gens qui n'ont pas la mémoire courte - ou l'inculture profonde - au point d'avoir oublié que "la pensée au service de l'espace public", ça a donné, entre autres, l'aveuglement stupide de Sartre et de Beauvoir - parangons de l'"intellectuel engagé" - envers l'horreur des camps, nazis ou soviétiques. Des gens qui estiment qu'un chercheur ne trahit pas sa mission en faisant ce pour quoi il est payé par la collectivité : produire du savoir ; et que ceux qui utilisent le prestige de la chaire pour assener leurs opinions personnelles à des étudiants fascinés ou à des militants fanatisés ne sont peut-être pas les mieux placés pour donner à leurs pairs des leçons de probité intellectuelle (sans même parler de productivité scientifique)." [N.H.]

Bon, vous savez que je ne me positionne pas du côté des idolâtres et des mystificateurs de la gauche bien-pensante. Car, j'ai de bonnes raisons de ne pas totalement adhérer aux thèses de Bourdieu, ou plutôt, à ce que j'en sais.

Deux autres papiers se rapportent aux sujets qui, dernièrement, ont été largement abordés sur le blog de notre amie Albertine : une critique de La sociologie à l’épreuve de l’art, essai de Nathalie Heinich, et, quelques Remarques à propos de L’Élite artiste.

3 comments:

  1. Bonjour Scheiro,

    Great, great, voilà aussi du blogging comme je l'aime :-) !

    Je reviens te répondre !

    (Cela dit, je ne considère pas du touttque la mise en ligne du documentaire de Carles soit une réponse à ton premier billet sur Bourdieu, j'y répondrai aussi pour lui-même ;-)).

    A bientôt !

    ReplyDelete
  2. Oula ça y est j'ai répondu et posté la réponse au premier billets...

    (Et c'est là où on voit que je n'aurais pas du attendre tant de temps pour répondre, parce que du coup... c'est d'une longueur accablante justement...)

    Bonne journée Scheiro !

    (Pour la question de la sociologie "à l'épreuve du jugement de goût", délai, délai, please, parce que là... :-D)

    ReplyDelete
  3. >les positions politiques prises par Bourdieu en 1995
    Non, pas du tout, Albertine, parce que comme je te le disais, je n'ai rien su de 1995, j'étais ailleurs et je ne suis pas revenu sur ses déclarations, par la suite. Donc je n'en sais rien, sinon qu'il aurait pris le partis des grévistes et aurait partagé leurs gamelles et leurs couches, les nuits d'occupations de locaux, d'usines, peut-être. J'ai fait la connaissance de PB lors de sa rencontre télévisée avec G. Grass. Je ne savais rien de ce sociologue, auparavant.

    >les attaques (...) ne relèvent certes pas du terrain "scientifique", mais d'un tout autre terrain.
    Si tu dis que ses deux derniers bouquins n'ont rien de scientifique, et, c'est exact, alors, mis à part qqs chapitres lus dans "Ce que parler veux dire", je ne sais pas grand chose du travail de Bourdieu. Et c'est bien sur un autre terrain que je l'attaque. Ou du moins que j'attaque les propos et les positions qu'il a pu prendre surtout après avoir vu sa "prestation" sur le plateau de Schneidermann. Et c'est bien la dessus que j'affirme que PB avait un fort ressentiment envers les journalistes, parce que pondre, coup sur coup 2 pamphlets sur les médias, révèle tout de même des dispositions psychologiques du grand et inattaquable sociologue. Mais, tu ne les as peut-être pas lus, Albertine. Comme tu n'as pas du suivre la polémique avec http://www.monde-diplomatique.fr/1996/05/SCHNEIDERMANN/2778 D. Schneidermann: "Il me semble encore vous [PB] entendre, au téléphone, vous réjouir de la perspective de «rentrer dans la gueule» de vos contradicteurs. «On me dit que je suis bien meilleur face à une contradiction forte», disiez-vous.", ce qui illustre le niveau. Tu n'as pas du non plus, lire le petit essai de ce dernier, publié en réponse à PB. Mais tu n'as rien perdu, Albertine, parce que là encore ce n'est pas très 'scientifique'.

    Je n'attaque pas PB sur ses travaux, une philosophe comme Nathalie Heinich est certainement plus amène que moi pour le faire et il me semble qu'elle a déjà trouvé pas mal de choses à redire. Mais là en encore, je ne peux pas me prononcer parce que je n'ai pas lu non plus le travail de N.H. Non, Albertine, je me range plutôt du côté de Bouverresse qui dit, au sujet des intellos comme PB, ceci: "Bernard Crick, le biographe d’Orwell, explique que, «bien qu’exaspéré par l’injustice et l’intolérance, il ne semblait jamais vouloir en demander trop aux simples gens : sa colère se dirigeait contre les intellectuels, avant tout parce qu’ils détenaient ou influençaient le pouvoir, et avaient donc à en assumer les conséquences». C’était aussi, me semble-t-il, l’attitude de Bourdieu et celle de Kraus, en dépit du fait que le deuxième n’était pas précisément un démocrate. Je ne vois pas comment un intellectuel qui a conservé un certain sens de ses obligations en même temps que de ses limites pourrait en adopter une autre. Orwell a observé à propos du comportement des intellectuels anglais que «ce sont les libéraux qui craignent la liberté et les intellectuels qui sont prêts à toutes les vilenies contre la pensée». Sur le second point au moins autant que sur le premier, je suis obligé de reconnaître que, plus le temps passe, plus j’ai tendance à être de son avis."

    Je suis obligé de reconnaître que, plus le temps passe, plus j’ai tendance à être de l'avis de Bouveresse et en particulier sur PB, et, ceci d'autant plus, que tu me mets sous le nez la vidéo de Carles ;-))
    C'est Nathalie Heinich qui, pour moi, illustre le mieux ce que je pense de Bourdieu, mais il me semble que tu ne l'as pas prise en compte dans ta réponse Albertine. Ta réponse qui est proche d'un article du Wikipedia, avec bcp d'infos sur l'animal, son pedigree, etc. mais qui ne répond pas à ce que je tente de te signifier et qui se résume à ceci :

    "Voilà pourquoi, si la pensée de Bourdieu se réduit à cet héritage-là, elle ne nous manque pas : c'est que ce discours est partout. Il est dans l'omniprésence de cette "pensée critique" qui a envahi les universités et étouffe les esprits qui se veulent libres. Il est dans l'idée que la liberté serait aujourd'hui dans les mains de ceux qui s'empressent de penser comme tout le monde autour d'eux, en croyant en plus être marginaux, et qui se comportent en victimes de la "domination" mandarinale alors qu'ils siègent dans tant de commissions. Il est dans la pensée paranoïaque qui voit des ennemis partout, y compris dans ses propres alliés, comme notre pauvre bourdieusien orphelin, décidé à défendre tout seul la pensée de son maître contre "la complicité objective de ses disciples", devenus traîtres à leur tour pour de mystérieuses raisons. Il est dans le double discours - si familier à la rhétorique de notre Grand Timonier national - qui dénonce avec fougue ce dont lui-même est la voyante incarnation : en l'occurrence, un radicalisme de matamore, dont la seule préoccupation est de se prétendre plus "radical" encore que son voisin de bureau.
    De cet esprit-là, auquel le grand sociologue que fut, un temps, Pierre Bourdieu, a malheureusement ouvert un boulevard, nous sommes aujourd'hui saturés."

    Je voulais surtout exprimer ma saturation. ¿ Entiendes, tia ? ;-))

    ReplyDelete

Note: Only a member of this blog may post a comment.