Martine Laval a reçu ce matin ce mot de Pierre Jourde, écrivain et professeur d'université.
"Pendant des décennies, l’université a avalé sans broncher les réformes les plus burlesques. Et voici brusquement les universitaires de toutes tendances politiques, les présidents d’université les plus modérés, les chercheurs les plus prudents, gauche et droite mêlées, qui se retrouvent dans la rue, à lever le poing avec des étudiants et de jeunes chercheurs. Pour en arriver à cela, il faut un sentiment profond d’humiliation, de mépris pour les professions intellectuelles, qui dure depuis très longtemps, et qui ne vient pas seulement de nos hommes politiques, mais aussi de la représentation qui est donnée de ces professions par certains médias, à partir d’une méconnaissance profonde de leur réalité quotidienne.
Cela ne tient pas seulement au déferlement des clichés populistes. Ce n’est pas seulement parce que l’on fait passer pour des fainéants des gens qui ne cessent de travailler, pour des salaires minables, dans des lieux souvent sordides. Ce n’est pas seulement parce que l’on prétend évaluer enfin des chercheurs qui le sont en réalité toute leur vie, sur des critères très sélectifs. Ce n’est pas seulement parce que le temps qui pourrait être consacré aux étudiants et aux recherches est en réalité dévoré par une bureaucratie envahissante. C’est aussi et surtout parce qu’il s’agit d’une politique globale de destruction de la culture générale, qui touche l’université, la formation des professeurs, les concours de la fonction publique, l’audiovisuel, etc.
Nous formons les futurs professeurs, et on nous demandera de les recruter, non plus sur ce qu’ils savent en littérature ou en sciences, mais sur des critères techniques étroits. Dans tous les domaines, il s’agit de ne former que des visseurs de boulons soumis, étroitement rivés à leur tâche. Et cela concerne l’éducation dans son ensemble, de la maternelle à l’université. Les universitaires manifestent contre cette vision de la société.
Nous ne voulons pas former seulement des techniciens soumis, aux compétences étroites, mais des hommes et des citoyens. Nous pensons que la recherche est d’autant plus créatrice qu’elle n’est pas soumise à des objectifs purement utilitaires. Que le sens d’une vie ne se résume pas à des savoir-faire techniques. Qu’un professionnel est d’autant plus efficace que sa vision n’est pas étroitement limitée à son domaine de compétence. Que la culture est partie intégrante du fait de devenir homme."
"Pendant des décennies, l’université a avalé sans broncher les réformes les plus burlesques. Et voici brusquement les universitaires de toutes tendances politiques, les présidents d’université les plus modérés, les chercheurs les plus prudents, gauche et droite mêlées, qui se retrouvent dans la rue, à lever le poing avec des étudiants et de jeunes chercheurs. Pour en arriver à cela, il faut un sentiment profond d’humiliation, de mépris pour les professions intellectuelles, qui dure depuis très longtemps, et qui ne vient pas seulement de nos hommes politiques, mais aussi de la représentation qui est donnée de ces professions par certains médias, à partir d’une méconnaissance profonde de leur réalité quotidienne.
Cela ne tient pas seulement au déferlement des clichés populistes. Ce n’est pas seulement parce que l’on fait passer pour des fainéants des gens qui ne cessent de travailler, pour des salaires minables, dans des lieux souvent sordides. Ce n’est pas seulement parce que l’on prétend évaluer enfin des chercheurs qui le sont en réalité toute leur vie, sur des critères très sélectifs. Ce n’est pas seulement parce que le temps qui pourrait être consacré aux étudiants et aux recherches est en réalité dévoré par une bureaucratie envahissante. C’est aussi et surtout parce qu’il s’agit d’une politique globale de destruction de la culture générale, qui touche l’université, la formation des professeurs, les concours de la fonction publique, l’audiovisuel, etc.
Nous formons les futurs professeurs, et on nous demandera de les recruter, non plus sur ce qu’ils savent en littérature ou en sciences, mais sur des critères techniques étroits. Dans tous les domaines, il s’agit de ne former que des visseurs de boulons soumis, étroitement rivés à leur tâche. Et cela concerne l’éducation dans son ensemble, de la maternelle à l’université. Les universitaires manifestent contre cette vision de la société.
Nous ne voulons pas former seulement des techniciens soumis, aux compétences étroites, mais des hommes et des citoyens. Nous pensons que la recherche est d’autant plus créatrice qu’elle n’est pas soumise à des objectifs purement utilitaires. Que le sens d’une vie ne se résume pas à des savoir-faire techniques. Qu’un professionnel est d’autant plus efficace que sa vision n’est pas étroitement limitée à son domaine de compétence. Que la culture est partie intégrante du fait de devenir homme."
C'est, globalement, ce point de vue que BBL défend en réponse à une question posée par Rubin Sfadj : "Autonomie des universités : une bureaucratisation en trompe l'oeil ?"
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